"d'Astelet de Jommelière"

Famille de maîtres de forges de 1505 à 1782. La forge était située à Jommelière, paroisse de Javerlhac sur la rivière Bandiat, à la limite des départements de la Charente et de la Dordogne.
En 1631 un certain François d'Astelet obtint un arrêt du Parlement de Bordeaux le déclarant noble.... et le dispensant de payer la taille !
A la fin du XVIIIe siècle les descendants, appauvris, vendent la forge.


armes d'Astelet

"De gueules à trois besants d'or"

Emmanuel d'Astelet (1813-1849)
Capitaine d'Infanterie

 

1 . Descendance utérine
Ma grand mère limousine, Marie Gauthier, racontait fièrement qu' un de ses grand-oncles, de sang noble, Emmanuel Thibeau d'Astelet, était parti à Rome volontaire pour défendre le Pape contre les "révolutionnaires" et qu'il était mort à l'assaut des murailles de Rome en 1849. J'ai approfondi cet épisode familial : (re)découvrons ensemble l'Histoire de France....et d'Italie !

source image : CGC
2 . Rappel de l'Histoire de France (1846-1850)

C’est une période de histoire de France particulièrement confuse où les régimes se succèdent et les relations avec l’Italie sont contradictoires !
L’Italie est une composition de royaumes indépendants dont l’un est sous la dominance de la papauté : les États pontificaux. En 1846, Pie IX arrive au pouvoir avec beaucoup d’espoir en vue d’engager des réformes dans l’administration et la vie sociale. En 1847, les Autrichiens veulent calmer les ardeurs des Italiens indépendantistes et engagent des troupes. La France de Louis Philippe, qui commence à coloniser l’Algérie crie au scandale. Sous la pression de la foule parisienne, Louis Philippe est obligé de signer son abdication et part en exil.
Une immense confusion politique s’installe en France et grâce à une poignée d’hommes, la seconde République prend naissance (Février 1848). Le monde politique français reste cependant préoccupé de l’affranchissement des troupes d'occupation de l’Italie.
De péripéties en péripéties, les ouvriers des Ateliers Nationaux sont manipulés et l’insurrection prend forme : Paris se couvre de barricades le 28 juin 1848. L’armée reprend le contrôle de la ville et le Gal Cavaignac prend le pouvoir avec le titre de Président du Conseil des Ministres. Un esprit social souffle sur l’Assemblée avec Proud’hon, vite étouffé par Thiers. Les Italiens de Milan et de Venise demandent l’aide de la France à la suite de l’invasion des Autrichiens (août 1848). L’envoi d’une flotte devant Venise est envisagé puis abandonné.
Louis-Napoléon, de retour en politique, devient député en septembre 1848.
Le pape Pie IX, jadis idole des Romains, devient impopulaire en refusant de déclarer la guerre à l'Autriche catholique et, en novembre 1848, Pie IX se réfugie à Gaete chez le roi de Naples.
Cavaignac prépare l’envoi de troupe vers Civita Vecchia, le port de Rome. Louis Napoléon blâme cette initiative et soutient le Pape, dans une attitude très ambiguë.
Le 10 décembre 1848, Louis-Napoléon est élu président de la République.
Le 9 février 1849, la Constituante romaine proclame la République italienne. L’Autriche et l’Espagne menacent d’agir à l’opposé de la France où une grande incertitude règne sur la conduite à tenir. La France allait Elle rétablir le Pape comme le désiraient les conservateurs catholiques ou allait Elle protéger la révolution romaine comme le voulaient les républicains ?
Le 16 avril 1849, un crédit est voté pour le mise sur pied d'un corps expéditionnaire de la Méditerranée alors que la plus part des hommes politiques pensent que la République romaine tomberait d’elle-même. En avril 1849, le général Oudinot s’embarque à Marseille avec des effectifs réduits et débarque à Civita-Vecchia sans encombre. Le 28 avril il se retrouve devant les fortifications de Rome, en comptant être reçu à bras ouverts par le peuple romain. Le peuple romain avec Garibaldi se leva contre lui et Oudinot dut battre retraite (30 avril).
La France est surprise, le monde politique se déchaîne, l’armée invoque son honneur. L’équivoque est partout : un négociateur, Ferdinand de Lesseps, est envoyé à Rome tandis que le Gal Oudinot reçoit des renforts. L’instabilité politique française n’arrange pas les choses : une nouvelle assemblée législative installe un bureau provisoire le 28 mai 1849. La Constituante romaine ayant rejeté toute négociation, les armes peuvent parler et le gouvernement français du moment a commencé une guerre sans la vouloir.
Le siège de Rome débute le 3 juin, Paris s’embrase le 13 juin sous la poussée de l’extrême gauche sous prétexte que la Constitution est violée, ce qui est vraie ! Cette explosion est vite étouffée. Dans la nuit du 21 juin, l’assaut est donné et deux bastions sont enlevés et un troisième le 22 juin.
Garibaldi poursuit la lutte mais le mont Janicule dominant Rome étant investi par les Français, toute lutte devient inutile : Rome capitule le 2 juillet et Garibaldi s’enfuit le 3 juillet 1849.
Gagner une bataille est une chose, la transformer en un succès moral et politique en est une autre. Louis-Napoléon tergiverse, Pie IX revient à Rome en 1850, rétablissant une contre Révolution grâce aux armes de la République française et contre les patriotes italiens !
Un détachement française reste non loin de Rome jusqu’en 1868, protégeant le pape une nouvelle fois contre les ambitions de Garibaldi en 1867 !
Par une ironie de l'Histoire, Louis Napoléon, devenu Napoléon III, aide le roi Victor Emanuel II et les patriotes italiens à amorcer l'unité de l'Italie, en battant les Autrichiens à Solferino le 24 juin 1859, libérant ainsi la Lombardie.
Notes tirées de "l'Histoire de France populaire" par H. Martin, 1870. Collection particulière
Carte de l'Italie
en 1849
carte Italie 1824
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Les hommes en présence


Embarquement
à Marseille

Débarquement
à Civita-Vecchia

Arrivée à Rome

Renforts de Toulon

Pie IX revient à Rome


3 . Le siège et la prise de Rome (1849)

Après la tentative malheureuse du Gal Oudinot de pénétrer dans Rome pacifiquement le 30 avril 1849, l'intervention militaire s'organise avec l'arrivée de renforts et la préparation du terrain. Cette intervention se fera autour de la Porte San Pancrazio située sur le mont Janicule dominant Rome.
De puissant remparts protègent Rome, avec des bastions portant des batteries . Une deuxième ligne de défense est formée par l'enceinte antique dite aurélienne.
Le 3 juin, les opérations débutent sur deux fronts : prise des villas en avant de la porte San Pancrazio, dont la célèbre villa Pamphili, et d'un pont sur le Tibre en aval de Rome.
Du 4 juin au 14 juin, des tranchées sont creusées vers les remparts, des batteries d'artillerie sont installées qui détruisent les batteries italiennes sur les remparts.
Les 16 et 17 juin, trois brèches sont ouvertes dans les remparts dont les éboulements forment un talus.
Le 21 juin au soir, l'ordre est donné de prendre d'assaut les trois brèches. La compagnie des grenadiers du 3e bataillon du 36e de ligne se précipite à l'assaut des remparts derrière le capitaine d'Astelet et le capitaine du génie de Gouslard. L'objectif est de déloger des tireurs embusqués dans la casa Barberini (aujourd'hui Sciarra) . Celle ci est prise mais les deux capitaines sont tués ainsi que trois soldats.
Les 29 et 30 juin, l'assaut général est donné. Les troupes de Garibaldi battent en retraite et la villa Spada, son quartier général est prise.
Le 2 juillet : les troupes françaises rentrent dans Rome.
Le 14 août : le Gal Oudinot est rappelé par Louis Napoléon pour des prises de position trop favorables au pape Pie IX.
Assaut des remparts

Prise d'un bastion

Combats
San Pancrazio,
Villa Spada

4 . Le capitaine d'Astelet
Emmanuel d'Astelet est né le 15 décembre 1813 à Nontronneau (en Dordogne).
Il est le fils de Guillaume et de Anne Desmiers.
Son père, Guillaume d'Astelet de Jommelière, gentilhomme français de la province du Périgord, émigre en 1792, sert dans l’armée de Condé et revient en France en 1801. Il est maire de Nontronneau en 1830 avec comme profession : propriétaire.
Ses revenus doivent être modestes puisqu’il fait une demande auprès de l’association paternelle des chevaliers de l’Ordre royal et militaire de Saint Louis, dont il est décoré, pour une prise en charge de l’éducation de l’un de ses enfants au collège de Senlis. Cette demande est accordée fin 1816.
Emmanuel perd sa mère le 8 mars 1820.
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Il rentre à St Cyr le 30 novembre 1830, comme élève gratuit.
A la sortie de St Cyr, le 1 octobre 1832, il est nommé sous-lieutenant au 36e régiment d’infanterie de ligne, puis lieutenant le 21 décembre 1838 et capitaine le 3 juillet 1843
De 1844 à 1848, il participe à la pacification de l’Algérie.
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Il est capitaine à la 8e compagnie des grenadiers du 36e régiment d’infanterie de ligne lors de la campagne de Rome, en 1849.
Il embarque le 22 avril 1849 à Marseille pour Civita-Vecchia.
Le 30 avril 1849, il arrive devant Rome, avec le Gal Oudinot. Il est blessé à la cuisse sous les murs de Rome et évacué le 3 mai vers Bastia, sur le bateau Sané.
Il est nommé chevalier de la légion d'honneur.
Convalescent, il revient combattre et entraîne sa compagnie à l’assaut des murailles. Il est tué le 21 juin 1849 à Rome, vers 10 heures du soir, au cours de la prise la villa Barberini.
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Extrait de la Correspondance de X avec le Général en chef (source : SHD Vincennes G6 50)
« 15 juillet
Mon général, j’ai l’honneur de vous adresser ci-joint en vous priant d’en faire le renvoi au ministre, le titre d’admission dans la Légion d’honneur qui était destiné à M. le Capitaine d’Astelet du 36e de Ligne. Cet officier a été tué le 21 juin dernier à l’assaut du bastion 7. »)



Signature du Gal Oudinot de Reggio pour la nomination du capitaine d'Astelet au grade de Chevalier de la Légion d'honneur. Source : SHA Vincennes 5Y 663
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Extrait de l'acte de décès d'Emmanuel d'Astelet reporté dans les registres de la mairie de Lussas-Nontronneau (Dordogne) :
« Nous soussigné Jean Rispal sous lieutenant officier payeur accomplissant les fonctions d’officier de l’état civil, certifions que ….. Emmanuel Thibeau d’Astelet capitaine…est décédé sur la brèche à l’assaut de Rome (Italie) par suite d’un coup de feu dans la région du cœur le 21 juin mil huit cent quarante neuf à dix heures du soir…..(fait) à la villa Santucci le 24 juin 1849 »
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Une notice sur la vie d'Emmanuel D'Astelet, publiée en 1849 à Rome, a été récemment découverte. Nous remercions Laurent Lahierle de nous avoir aimablement transmis une copie de cette notice et de nous avoir autorisés à la présenter.
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Note : la littérature de cette époque rapporte la mort d'Emmanuel d’ Astelet avec un certain lyrisme. En particulier « Rome …… souvenir de l’expédition française » par Eugénie Mistral Dutheil de la Rochére (sous Google livres) rapporte de nombreux détails que nos recherches n’ont pas pu confirmer sinon infirmer, en particulier le passage sur sa mère qui était morte depuis longtemps
Assaut de d'Astelet

Prise de la villa Barberini (aujourd'hui Sciarra)

Trois officiers près d'une tombe

Monument aux morts français à Rome


Saint Louis des Français

Notice publiée à Rome
5 . Sources
Archives Nationales (AN)
Archives départementales de la Dordogne
Mairie de Lussas-Nontronneau
Musée du Risorgimiento, Rome
Service historique de la défense,Vincennes (SHD)